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Désaveu pour le premier ministre Narendra Modi

Révolte sans précédent des paysans indiens

En pleine crise sanitaire, le gouvernement indien a promulgué trois lois qui engagent une dérégulation brutale du système public alimentaire et agricole. Depuis leur adoption par le Parlement, à la mi-septembre 2020, elles ont suscité un mouvement de protestation inédit dans tout le pays. Elles marquent la fin d’un pacte moral entre le pouvoir et la paysannerie.

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Sameer Kulavoor. — « Goni », de la série « This Is Not a Still Life » (Ceci n’est pas une nature morte), 2019
© Sameer Kulavoor, 2019 - Courtesy of Sameer Kulavoor and TARQ, Bombay

Depuis fin novembre 2020, des centaines de milliers de paysans se sont installés aux portes de la capitale indienne, New Delhi, bien décidés à faire plier le gouvernement. Ce n’est pas la première fois que les agriculteurs occupent le devant de la scène médiatique et politique en Inde : parfois en raison de drames, comme des suicides en nombre ; parfois en raison de leurs combats contre les organismes génétiquement modifiés (OGM) ou encore contre les expropriations. Cette fois, cependant, leur nombre, leur détermination, leurs modes d’action et le ralliement d’une large partie de la société opposée à la politique du premier ministre Narendra Modi concourent à donner à ces rassemblements un caractère inédit.

L’adoption de trois lois, proposées par le gouvernement début juin et votées par le Parlement à la mi-septembre, a mis le feu aux poudres dans un secteur déjà largement laminé. Sa part dans la population active est passée de 70 % en 1951 à 48 % en 2011. Si, pour Ashok Gulati, expert indien reconnu et soutien de ces réformes, il s’agit de poser les « fondations de la modernisation de l’agriculture » du pays, pour les premiers concernés ces lois marquent le début d’un démantèlement de la politique agricole et alimentaire mise en place dans les années 1960-1970.

Celle-ci repose sur des prix minimaux de soutien, qui ne sont appliqués directement que dans un tiers des échanges agricoles, principalement pour des paysans riziers et céréaliers du nord-ouest du pays, mais qui orientent les prix des autres productions. Les récoltes sont vendues sur les marchés de gros (mandis) supervisés par chaque État, mais elles peuvent également être achetées, en dernier ressort, par l’agence alimentaire nationale, la Food Corporation of India, pour soutenir les prix. Les stocks alors constitués sont livrés aux agences étatiques de redistribution pour les populations les plus pauvres.

La première loi, dite « de promotion et de facilitation du commerce et de l’échange des produits agricoles », (...)

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Joël Cabalion & Delphine Thivet

Respectivement maître de conférences en sociologie et anthropologie, université de Tours, et maîtresse de conférences en sociologie, directrice adjointe du Centre Émile-Durkheim, Bordeaux. Le premier a codirigé (avec Fabrice Flipo) l’ouvrage collectif L’Inde des sciences sociales, Aux forges de Vulcain, Bussy-Saint-Martin, 2017.
Repris dans « Les campagnes »,
Manière de voir n˚187, février - mars 2023.

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Cet article était précédé d'un « chapeau d’actualité » lors de son dernier passage en « Une » du site. :
Jeudi 18 novembre 2021

Après plus d’une année de lutte — cortèges de tracteurs convergeant vers New Delhi, la capitale, installations sur les axes d’entrée dans la ville, manifestations à répétition — les paysans indiens ont gagné. Le premier ministre Narendra Modi a annoncé le 17 novembre le retrait des lois visant à déréguler l’agriculture. « Ouvrant la voie à la baisse des subventions publiques, ces lois auraient livré « l’agriculture aux puissants groupes de l’agroalimentaire et de la distribution », soulignaient Joel Cabalion et Delphine Thivet en février dernier.

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